IKEA

par Clémence & co

 

Intro: Le discours d'Ikea

1.Le discours éthique

2.Une entreprise morale

3.Une entreprise paradoxale

 

Lien vers le site d'Ikea france

 

 

 

 

LE DISCOURS D'IKEA

 

 Tous les chiffres utilisés dès lors que l'on parle d'Ikea donnent le vertige et viennent symboliser une réussite économique exemplaire : 130 millions de catalogues distribués chaque année, 310 millions de visiteurs par an, 186 magasins à travers le monde… et enfin une position incontestée de premier vendeur de meuble européen. Cette réussite exemplaire s'explique bien sur par des raisons économiques évidentes : une stratégie fondamentalement opposée à celles qu'ils se pratiquaient alors sur le marché du meuble, l'innovation des meubles en kit, la recherche acharnée du plus bas prix.

 

Ainsi d'une certaine manière Ikea a été une entreprise visionnaire dans son développement, une anticipation de la moyennisation de la population et l'avènement de la société de consommation. Ainsi lorsqu' Ikea se crée, en 1943, le secteur du meuble suédois est fragmenté et réparti en cartel afin de limiter la concurrence. Il s'adresse à des classes aisées habitant le centre ville. Ikea introduit donc une double révolution : une standardisation extrême des produits, et une baisse des prix due à l'invention des meubles en kit et la volonté d'obtenir les matériaux les moins chers.

 

Cependant, ce qui pouvait expliquer et légitimer la réussite d'Ikea jusque dans les années 80 est insuffisant aujourd'hui : en effet, l'internationalisation de cette entreprise familiale la pousse à affronter des concurrents féroces qui remettent sans cesse sa position de leader en matière de prix.

 

En réalité, la véritable raison du succès d'Ikea aujourd'hui n'est même plus son style de design original et accessible, désormais partout copié. Elle réside essentiellement dans la confiance que lui

accordent les consommateurs : 83 % recommandent cette marque à leurs proches. Il est de plus évident que Ikea, plus qu'un entreprise est une marque, c'est-à-dire qu'elle a conquit l'inconscient collectif comme une identité presque humaine, correspondant à des valeurs (le dynamisme, la valeur du travail, l'économie, la famille), des couleurs (jaune et bleue), un pays ( la Suède ), un âge (25/30 ans, les jeunes ménages, cibles emblématiques d'Ikea).

 

C'est à cet ensemble de caractéristiques qui fondent l'identité de l'entreprise que nous nous sommes intéressés. En effet Ikea semble être avant tout une entreprise innovante, anticipatrice. Ainsi de la même façon que son développement des années 50 et 60 s'inscrit dans une ère de consommation de masse comprise dès 1943, son discours actuel pourrait tout aussi bien correspondre à la compréhension de ce que doit être une entreprise aujourd'hui : une marque, c'est-à-dire un esprit plus qu'un produit, quelque chose qui parle aux consommateurs plutôt qu'un achat guidé par un raisonnement rationnel.

 

Mais d'un autre côté, le discours d'Ikea comporte des ambiguïtés, des contradictions dans son image de marque devenu centrale dans sa stratégie marketing : ainsi, il est très difficile d'identifier la part de calcul économique et de véritable esprit d'entreprise dans les très nombreux engagements humanitaires d'Ikea, par exemple. D'autre part, le discours d'Ikea se démarque par un vocabulaire très particulier à tout point de vue : par exemple, les noms suédois donnés aux meubles, ou le ton des communiqués d'entreprise (le président conclue tous ces message par un « je vous aime » destiné à ces employés).

 

Lorsqu'on l'examine, l'examen du discours d'Ikea suscite de nombreuses questions : est-il du à l'originalité de l'entreprise ou au désir de ce conformer à un mouvement général de l'économie pariant sur l'identité de marque pour se développer ? Ce discours est-il poussé par des motifs économiques, un calcul pour toucher le consommateur ? Où existerait-il d'autres motifs, comme le désir d'avoir un impact sur la société, d'imposer des valeurs ? Est-ce que Ikea cherche à imposer son esprit d'entreprise ou consommateurs pour le fidéliser, ou est-ce qu'au contraire il offre une image de marque cherchant à correspondre aux désirs de ses clients ? Et puis, quelles sont les limites (comme les écarts entre faits et pratique), les dangers liés à une éthique qui va aussi loin? Enfin, concrètement, comment Ikea introduit ses valeurs dans les pays où il s'installe ? S'oppose t'il à leurs cultures?

 

La question centrale est donc : Quelle est la logique, l'ambition et les limites du discours d'Ikea ?

 

Pour répondre à ces questions, nous avons été poussé à distinguer l'éthique et la morale. Même si le mot anglais ethics recouvre les deux significations, il nous a semblé qu'il existait d'importantes nuances entre les deux. En effet, alors que l'éthique est l'ensemble des règles morales qui guident les choix d'une société, la morale en elle-même est alors les valeurs que l'entreprise veut inculquer à ces consommateurs. Nous sommes toutefois partis du point où éthique et morale était deux mêmes facettes du discours d'Ikea : en effet l'entreprise possède un ensemble de règles morales tellement liées au désir de perfection, à la transparence que éthique et morale ne semblait pouvoir être que deux différents modes d'application, deux logiques et ambitions différentes d'un même esprit d'entreprise.

 

Nous verrons tout d'abord le discours éthique d'Ikea, et donc les exigences qu'elle a pour elle même, ses éléments d'intégration ou d'exclusion dans un vaste mouvement d'éthique des grandes entreprises, et enfin les raisons d'un tel engagement, en terme économique mais aussi au-delà.

 

De même, nous verrons le discours moral d'Ikea, c'est-à-dire ce qu'elle désire pour ses consommateurs, les valeurs qu'elle propose en conséquence. Cela nous amènera à montrer l'ambiguïté du rapport entre consommateurs et Ikea, et jusqu'à quel point les valeurs développées constituent un argument marketing.

 

Enfin, nous verrons les limites de ce discours poussés à l'extrême, à travers les paradoxes du discours éthique, puis du discours moral et des contradictions pouvant exister entre discours moral et discours éthique.

 

I L'éthique au service du profit… ?

 

1. Une entreprise exemplaire dans un secteur concurrentiel

 

La création de l'entreprise IKEA est assez particulière vu la réussite de cette multinationale. Ingvar Kamprad naît en 1926 dans le sud de la Suède, il est élevé dans une ferme et on s'aperçoit très tôt qu'il a un don pour les affaires. À l'âge de 17 ans (en 1943) Ingvar Kamprad finit ses études, et, avec la somme qu'il reçoit, crée sa propre entreprise IKEA (Ingvar Kamprad Elmatagrud Agunnaryd). Au début, cette entreprise ne vend que de simples stylos, cadres, nappes, bijoux… à prix réduits. Quelques années plus tard, Ingvar Kamprad commence à développer une publicité autour de son magasin et s'allie avec les artisans locaux pour la fabrication de meubles. Il lance son premier catalogue en 1951 et décide de se concentrer uniquement sur les meubles à prix bas. Les prix bas sont, à cette époque, signes de mauvaise qualité, c'est pourquoi il décide en 1950 d'ouvrir un premier hall d'exposition afin que les clients puissent « toucher » les meubles et se rendre compte que « prix bas » ne riment pas avec « mauvaise qualité ». Lorsqu'il s'implante dans le secteur, Ingvar Kamprad n'appartient pas au Cartel qui, avant, fixait les prix et le design. C'est pourquoi la situation est bénéfique pour IKEA car la politique des prix bas menace le Cartel. La concurrence se développe et il est obligé de créer ses propres meubles, ce qui va donner naissance à un design innovant. Ingvar Kamprad décide alors de vendre ses meubles dans des paquets plats, ce qui est plus simple pour stocker et transporter (on réduit une fois de plus les coûts) et permet d'éviter les casses. De plus, cela permet d'intégrer le consommateur au processus de production : le consommateur se sert lui-même dans les dépôts et il monte seul les meubles. Ikea souhaite donc fidéliser ses partenaires ainsi que ses salariés, comme le montre une mesure prise en 1999 : le 9 octobre la totalité de la recette de cette journée a été redistribuée aux collaborateurs, c'est-à-dire que tous les employés, peu importe leur poste, ont reçu la même prime. De plus, IKEA s'adapte à la mentalité actuelle, par exemple, l'entreprise s'est rendue compte que l'enfant avait une place primordiale au sein de la famille ; c'est pourquoi IKEA lance en 1997 IKEA des Petits et maintenant chaque magasin est doté d'aires de jeu et de menu enfant au restaurant. Actuellement IKEA est implantée dans 23 pays et comptabilise, au 31 octobre 2004, 180 magasins. Ingvar Kamprad choisit, comme logo, le jaune et le bleu car se sont les couleurs du drapeau suédois (drapeau national).

 

Une entreprise, dans l'absolu, a plusieurs rôles. Tout d'abord une entreprise est une unité économique c'est-à-dire qu'elle a pour mission de créer des richesses, d'optimiser la combinaison productive et d'accroître ses parts de marché. L'entreprise est aussi une institution ; elle doit rendre service aux hommes en aidant les hommes à maîtriser la nature, à développer les techniques et à répartir justement les richesses. Mais de nouvelles responsabilités sont imparties à l'entreprise telles que des responsabilités écologiques et culturelles.

 

Tout d'abord, l'entreprise IKEA a une structure toute particulière ; Ingvar Kamprad a toujours refusé l'ouverture du capital d'IKEA au public. Il craignait, en ouvrant son capital, que cela s'oppose à la mission d'IKEA. Afin de respecter au mieux la mission qu'IKEA s'est fixée une fondation charitable est propriétaire de « IKEA Group », qui regroupe la plupart des revendeurs, le centre de développement des produits ainsi que les unités de négoce et de ventes en gros. Les activités d'IKEA Group sont coordonnées par IKEA International A/S au Danemark. On peut donc en déduire qu'IKEA est une entreprise « comme les autres ».

 

IKEA est une unité économique puisqu'elle est concurrentielle dans son secteur. On remarque qu'IKEA a une combinaison productive particulière ainsi qu'une division du travail bien à elle. Chaque entreprise recherche, actuellement, une efficacité productive, c'est-à-dire que le système d'organisation tayloro-fordiste laisse place à de nouvelles organisations du travail. Comme c'est le cas pour l'entreprise qu'est IKEA, on assiste à une plus grande flexibilité et à une recherche maximale de profit. IKEA a su fonder sa stratégie sur un marketing de masse afin de toucher l'ensemble de la population. De plus IKEA connaît une expansion forte puisqu'elle s'implante dans de nombreux pays, par exemple, l'Allemagne est son plus grand marché. On peut donc dire qu'IKEA n'est pas une exception dans le secteur mobilier.

 

Mais comme toute entreprise, IKEA est soumise à la concurrence nationale et internationale. Comme cela a été annoncé précédemment, IKEA, lors de sa création, a modifié les « règles » déjà établies dans le secteur mobilier et a pu ainsi devenir plus compétitive. IKEA reste aujourd'hui un leader dans ce marché très compétitif grâce à ses relations avec ses fournisseurs, à sa coordination ainsi qu'à sa notoriété acquise au fil des années. Dans ce secteur, plusieurs entreprises ont essayé de se regrouper afin de détrôner IKEA mais ils n'ont pu y parvenir par manque d'un système performant.

Plusieurs menaces pèsent sur IKEA. La première, et celle qui nous vient tout de suite à l'esprit, est celle qui peut venir des concurrents du secteur mobilier. Mais cette menace n'est pas celle qui peut être la plus pénalisante pour l'entreprise. La menace qui émane des fournisseurs, surtout ceux qui détiennent une forme de monopole ou d'exclusivité. De même la menace peut venir des clients (ou acheteurs). Un autre danger peut provenir des nouveaux entrants sur le marché ou de nouveaux actionnaires des concurrents.

Au niveau de la rivalité intra sectorielle, IKEA a de nombreux avantages : tout d'abord elle possède un poids suffisamment important dans le secteur, elle propose aux clients des produits semi-finis ce qui lui permet d'afficher des prix nettement au-dessous de la concurrence. Le design original d'IKEA joue un rôle important dans le prix de vente et lui permet de garder une clientèle composée d'innovateurs. Tous ces avantages obligent les concurrents d'IKEA de s'installer dans les zones où IKEA ne possède pas encore une trop forte part de marché.

 

 

 

 

2. L'éthique, un argument économique

 

Le domaine de l'éthique en entreprise est un sujet sensible. Certaines entreprises prônent l'éthique dans le seul but de vendre plus, c'est-à-dire que l'éthique est uniquement au service du profit, alors que d'autres pensent que la relation est double ; l'éthique est au service du profit comme le profit est au service de l'éthique.

 

Tout d'abord qu'est-ce qu'est l'éthique ? Comment la définir ? L'éthique est définie dans le Petit Robert comme une « science de la morale. Art de diriger la conduite. Ensemble de conceptions morales de quelqu'un ». De même que la morale : « science du bien et du mal. Théorie de l'action humaine en tant qu'elle est soumise au devoir et a pour but le bien ». Enfin en anglais, le mot « ethics » recouvre aussi bien l'éthique que la morale. L'éthique dans l'entreprise serait donc la lutte du bien contre le mal en entreprise. Mais l'éthique est avant tout une affaire d'entreprise fondée sur les actions concrètes de cette dernière. Il s'agit de mettre en accord les engagements théoriques pris par l'entreprise avec les actions concrètes qu'elle mène. Dans le contexte actuel, on peut se demander si l'éthique est compatible avec la montée de la concurrence et les risques de plus en plus importants. Une autre question revient assez rapidement en tête ; pourquoi l'éthique est-elle au centre des préoccupations ?

 

Le mouvement prônant l'éthique s'est beaucoup développé dans l'entre-deux-guerres, avec la Grande Dépression. Les chartes éthiques et les codes de bonne conduite fleurissent aujourd'hui mais diffèrent des règlements d'ateliers qui, contrairement à ces codes, souhaitaient distinguer l'univers de la masse salariée de celui de l'autorité. Ces codes cherchent à abolir les rapports hiérarchiques, comme le montre très bien l'exemple d'IKEA. Ces codes qui se développent prennent des formes différentes ; certains s'inspirent des droits fondamentaux prônés par l'Organisation internationale du Travail ou d'autres encouragent les salariés à effectuer des missions humanitaires.

Environ 62% des entreprises françaises sont dotées d'un code. Ce code se réfère aux convictions du fondateur et suppose une forte adhésion du personnel.

 

 

L'entreprise qu'est IKEA s'est fixée de nombreuses valeurs à prôner. Certes, entre les valeurs affichées et la réalité il y a toujours un écart et IKEA en est consciente mais elle cherche à ce que cet écart soit le plus restreint possible. De nombreuses règles ont été mises en place et doivent être appliquées au mieux : le tutoiement est la règle comme celle de voyager en classe touriste ou de porter la chemise rouge IKEA quelle que soit la fonction que l'on occupe (directeur, DRH, caissière ou stagiaire...), l'embauche d'étudiants, des mesures prises pour faciliter vie professionnelle et vie de famille pour les femmes.

Tout ces mesures prises n'ont pour seul objectif que de servir le même principe prôné par IKEA : « Améliorer le quotidien du plus grand nombre… en proposant un vaste choix de mobilier bien conçu et fonctionnel à des prix si bas qu'un maximum de gens pourrait se les offrir ». Il s'agit donc pour l'entreprise IKEA d'instaurer un esprit communautaire au service d'une innovation économique et sociale. Cette entreprise a une réputation d'entreprise citoyenne au plein sens du terme : à l'intérieur grâce à son principe d'égalité comme à l'extérieur grâce à son soutien des causes, de l'emploi, de l'environnement…

Au sein de l'entreprise, on remarque une forte présence de l'éthique. Il y a la notion du respect d'autrui qui y est avancée ainsi qu'une gestion des ressources humaines typiques à l'entreprise IKEA. Elle consiste à donner des responsabilités aux collaborateurs et à leurs permettre d'évoluer dans le cadre d'une grille de salaires assez uniforme et égalitaire. Le plaisir éprouvé dans son travail et ses réussites sont, ici, valorisés et l'entreprise permet aux salariés d'expérimenter tout en sachant que ces derniers ont droit à l'erreur. C'est donc pour cela que les salariés reconnaissent trouver dans leur entreprise un environnement protecteur et sécurisant.

 

L'entreprise IKEA n'impose pas son éthique qu'au sein-même de son entreprise mais elle développe aussi celle-ci à travers le soutien de nombreux projets ainsi que la mise en place de certaines règles avec ses fournisseurs.

Tout d'abord dans « La politique de IKEA en matière d'achats de produits pour l'aménagement de la maison », IKEA développe son Code de conduite ainsi que les conditions nécessaires pour devenir un fournisseur IKEA. IKEA a conscience de l'impact de ses activités sur l'environnement et les Droits de l'Homme ainsi que sur les conditions de travail et de vie. C'est pourquoi la vision d'IKEA est la suivante : « Améliorer le quotidien du plus grand nombre ». C'est-à-dire qu'elle souhaite offrir une large gamme de produits pour l'aménagement de la maison esthétiques et fonctionnels à prix bas afin qu'ils soient accessibles à tous. Sachant que les clients et les fournisseurs sont au centre de leur préoccupation, IKEA souhaite pouvoir offrir à leurs clients des meubles fabriqués dans des conditions de travail acceptables et s'étant préoccupé du problème de l'environnement. C'est pourquoi les fournisseurs peuvent attendre d'IKEA qu'elle soit fiable, qu'elle adapte ses produits à la production, qu'elle contribue à améliorer la rentabilité de la production, qu'elle s'intéresse à la protection de l'environnement, qu'elle adopte une position claire sur les conditions de travail, qu'elle accepte les différences culturelles. Ainsi IKEA peut exiger de ses fournisseurs qu'ils se conforment aux lois et réglementations nationales ainsi qu'aux conventions internationales en matière de Condition de travail, de Travail des enfants et de Protection de l'environnement. Elle peut aussi demander à ses fournisseurs de respecter les Droits de l'Homme et, par conséquent, de traiter avec respect et équitablement leurs employés.

Ainsi, au niveau des conditions de travail, les fournisseurs doivent fournir un environnement de travail sain et sûr, payer, au moins, le salaire minimum légal ainsi que les heures supplémentaires. Mais les fournisseurs IKEA ne doivent pas faire appel au travail des enfants, au travail forcé ou à l'esclavage, ils ne doivent pas abuser des heures supplémentaires et doivent permettre le syndicalisme et ne doivent pas tolérer d'harcèlement moral ou physique.

Au niveau de l'environnement et particulièrement de la gestion forestière, les fournisseurs doivent s'efforcer de réduire les déchets et les émissions dans l'air, le sol et l'eau, doivent manier, par souci de l'environnement, les produits chimiques de manière sûre, doivent contribuer au recyclage et à la réutilisation des matériaux et des produits usagés et doivent utiliser du bois provenant de zones identifiées. Ils ne doivent pas, par conséquent, utiliser ou dépasser les limites d'utilisation des substances interdites et utiliser du bois massif provenant de parcs nationaux ou de toute zone déclarée à valeur de conservation élevée.

Afin que ses fournisseurs puissent remplir toutes les conditions évoquées précédemment, IKEA soutient ses fournisseurs dans l'amélioration de leurs activités. IKEA ne mettra donc pas fin à ses relations avec un fournisseur parce que ce dernier n'a pas rempli les conditions nécessaires pour devenir un fournisseurs IKEA mais IKEA mettra en place avec lui un plan d'action afin d'améliorer ce qui ne correspond pas aux normes IKEA et, dans le cas où ce fournisseur ne se conforme pas au plan d'action, IKEA se verra obliger de s'en séparer. Mais IKEA cherche tout d'abord à établir des relations à long terme avec ses fournisseurs. Ce sont donc les bureaux d'achat de IKEA qui ont la responsabilité d'apporter leur soutien aux fournisseurs et de les contrôler mais IKEA se réserve le droit de faire appel à des organismes indépendants pour contrôler leurs fournisseurs.

Afin que IKEA ne soit pas en contradiction avec ce qu'elle demande à ses fournisseurs, elle applique ces conditions aux magasins IKEA.

Les magasins IKEA reçoivent plus de 300 millions de visiteurs chaque année et la majeure partie du personnel de IKEA y travaille. Comme la plupart utilise leur propre véhicule, IKEA incite les collaborateurs et les clients à utiliser les transports en commun, par souci de réduire la pollution.

De plus, tout nouvel employé de IKEA assiste à une formation sur les questions environnementales. IKEA souhaite que chacun bénéficie d'une remise à jour régulière de ses connaissances sur ce sujet.

Chaque magasin IKEA comporte un coordinateur environnement et doit mettre en place un plan d'action portant sur le recyclage, le tri des déchets, l'économie d'énergie, les transports et la formation.

Chaque magasin IKEA permet aux clients de pouvoir rapporter certains déchets tels que les emballages, les piles, les ampoules… Le magasin veille, par la suite, à ce que ces déchets soient convenablement recyclés.

Etant donné que le recyclage coûte cher, chaque magasin IKEA comprend des personnes chargées de réparer les produits abîmés afin de pouvoir les revendre au lieu de les jeter.

IKEA s'efforce d'utiliser les nouvelles techniques, ou tout du moins les plus récentes, et les mieux adaptées du point de vue de l'environnement pour la construction ou la consommation d'énergie lors de la construction de nouveaux magasins.

Enfin IKEA encourage ses magasins à être socialement responsables et à encourager des programmes régionaux ou nationaux.

Afin de montrer l'exemple à ses magasins, IKEA a choisi de concentrer son aide sur certaines causes (comme la protection de l'environnement, la lutte contre le travail des enfants…). Le Groupe IKEA soutient un projet en Inde avec l'UNICEF et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance. Ce projet s'effectue dans l'Etat de l'Uttar Pradesh (Nord de l'Inde) et a pour objectif de prévenir le travail des enfants en permettant, grâce à une formation, aux enfants de réintégrer le système scolaire. Et IKEA a soutenu aussi le CREDA une ONG indienne. De plus, IKEA et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont lancé une campagne de vaccination pour les nourrissons.

IKEA soutient aussi des projets au Kosovo. Par exemple, IKEA soutient l'organisation internationale « Save the Children » pour rescolariser les enfants de l'ouest du Kosovo (région victime de la guerre de 1999). IKEA soutient aussi un projet de l'UNICEF visant à réparer des écoles.

De plus, le Groupe IKEA participe aux projets suivants : IKEA soutient, depuis 1999, Global Forest Watch ; le projet a pour objectif de cartographier les forêts demeurées intactes sur le globe. IKEA finance, depuis 2001, des étudiants qui viennent étudier pour un an la sylviculture en Suède à l'Université des Sciences agricoles. IKEA a aussi créer la fondation « Sow a Seed » (Planter une graine) en 1998 ; elle est destinée à réhabiliter les forêts équatoriales en Malaisie. Enfin IKEA et WWF (World Wide Fun for Nature) se sont associés pour lancer de nombreux projets dans le domaine de la gestion forestière.

Au niveau français, IKEA soutient, par exemple, UNICEF France afin de défendre les Droits de l'Enfant. IKEA soutient aussi l'Office National des Forêts depuis novembre 2002 à travers l'opération « Agir à la racine ».

IKEA soutient de nombreux projets portant sur la défense des Droits de l'Enfant, les Conditions de travail, la protection de l'environnement et particulièrement la gestion forestière… A travers ces différents projets dans lesquels IKEA est engagé, on remarque un souci de vouloir bien faire de la part d'IKEA. Ce n'est pas facile pour cette entreprise qui s'associe avec des fournisseurs implantés dans des pays ne respectant pas les droits de l'Homme. Et IKEA ne peut pas privilégier entièrement son engagement social au dépit de sa réussite économique.

 

 

II Le discours de l'entreprise morale

 

Ikea est une entreprise qui doit sa réputation et son incroyable évolution (rappelons qu'elle a été fondé en 1943, par un seul homme, Kamprad, elle est donc une « jeune » société) non seulement par sa politique des bas prix mais aussi par les valeurs qu'elle véhicule envers et contre tout. Le système de l'entreprise défit aussi toute autre société ayant une organisation traditionnelle. Elle est ainsi plus une « société miroir » qui veut par tout les moyens transmettre un message aux consommateurs.

Mais elle s'est aussi « attaquée » a des pays n'ayant aucun lien culturel avec les principes mis en pratique par Ikea, comme par exemple l'Angleterre.

N'oublions tout de même pas qu'alors que Ikea est bel est bien le fondateur de ce mouvement de meubles à bas prix beaucoup d'entreprises «  surfent » sur la vague du succès des entreprises morales car le consommateur actuel est beaucoup plus préoccupé des soucis d ‘environnement, la main d'œuvre d'enfants, ex….

Mais donc quelle est la vision que Ikea veut transmettre au consommateurs et pourquoi ? en quoi son discours dépasse t-il le discours marketing ?

•  La « mythologie » d'une entreprise

Le site officiel d'Ikea est tout à fait surprenant. En effet les pages réservées à l'histoire et à la création, par Kamprad en 1943 d'Ikea, sont formulées d'une telle façon qu'il est possible de retrouver des formulations venues tout droits de la Bible. Il est vrai que Kamprad est présenté comme une sorte de Messie venu changer le monde du mobilier, marché à cette époque très fermé et ayant des coutumes très figées et traditionnelles (les meubles étaient des acquisitions pour la vie, en aucune façon il est imaginable de vouloir les changer au bout de 25 ans). Ce marché restait national mais pas international donc Kamprad est le précurseur, quand il décida de s'attaquer au marché allemand alors que ce dernier est suédois. La réussite de Kamprad permet aussi d'insister sur les valeurs telle que le travail acharné prône sur tout, qui sont plutôt traditionalistes et s'écartent du but premier d'Ikea soit marchand de meubles. La moral est ainsi aussi bien un argument de vente que les bas prix ou encore l'éthique.

Nous apprenons aussi que ce dernier est né « pauvre dans une famille au sud de la suède et qu'il fut entouré jusqu'à l'age de ses 17 ans par ses parents et élevé parmi les vaches ». Beaucoup de remarques telles que cette dernière ponctuent cette « saga » très idéalisé comme l'aime les futures générations consommatrices, avides de « contes de fée ». Mais Kamprad joue de ce statut et en 1976 sort son autobiographie, intitulé « le testament d'un négociateur en meubles ». Le rapprochement est facile à faire : il explique, outre son «  incroyable destin », les valeurs développées par Ikea et les différentes éthiques suivies et notamment l'éthique protestante due a son éducation nordique et ou il a évolué dans un milieu humble ou le travail est une valeur sure. L'éthique protestante défini par Max Weber est ainsi une éthique inspirée de la Théodicée afin que tout homme durant sa vie cherche des signes de l'existence de l'élection divine. Celle-ci exalte donc des valeurs d'humilité, de dur travail et de perfection.

Ainsi nous apprenons que Kamprad est persuadé que laisser les consommateurs monter leurs meubles eux-mêmes stimulent son entreprise et l'économie par la même démarche car la population aime travailler, telle qu'elle est définie dans l'éthique protestante. En effet les valeurs du protestantisme mais aussi les origines modestes de Kamprad donne à Ikea une culture particulière, reposant sur des valeurs telles que le sens de l ‘économie, la prise d'initiatives, le travail acharné, le courage s'assumer ses choix et la modestie et d'autres encore….

Mais Kamprad dit aussi « qu'il croit en l'homme et à ses capacités à changer et à créer » et ajoute « ce que nous voulons, nous le pouvons et nous le ferons ensemble. Merveilleux avenir ! ». Ikea aspire d'après cette devise favorite de son fondateur à créer une société de toutes part, Ikea, capable de changer le monde. Elle a donc dans ce cadre nommée tous ces meubles par des noms suédois mais pas n'importe les quels, en effet tous ayant un rapport plus ou moins logique entre la nature et la pièce de destination du meuble (par exemple, tous les objets ayant attrait à la salle de bains portent les noms de fleuves, de rivières de suède).Elle devient alors une entité a part entière, une sorte de modèle basé sur un mélange d'humanisme et de capitalisme.

Comme le montre le film, the corporation, (Si l'entreprise a, légalement, les mêmes droits qu'un individu, pourquoi se conduit-elle de façon si peu humaine ? Ce documentaire montre que le comportement de l'entreprise correspond en tous points à celui d'un psychopathe : égoïste, menteur, se moquant totalement du bien-être et du respect d'autrui... L'entreprise est-elle un monstre indomptable ?) réalisé par Jennifer Abbott , Mark Achbar primé au festival de Deauville en 2004, qui tente de montrer comment une entreprise arrive très vite a acquérir un statut d'être vivant, mais que cette dernière n'a aucun devoir. Et si on allait plus loin pour lui attribuer des caractéristiques mentales de l'homme on s'apercevrait que l'entreprise éthique est une « personne  psychopathe » denudée de tout savoir vivre de compassion, d'éthique et encore moins de morale. Ikea en fait partie et a plusieurs moment il et fait mention de cette dernière dans le film à titre d'exemple mais les autres entreprises ne sont pas en reste, en effet macdonald et des complexes de textiles ne sont pas épargnées.

Ainsi au sein de l'entreprise, l'organisation interne est quelque peu spécifique et étrange… il existe bien une hiérarchie mais cette dernière doit rester dans le domaine juste abstrait et pratique et les employés ont ordre de tous se tutoyer entre eux. Aucune différence n ‘est faite entre les différents grades. Une autre mesure est sur cette lancée : il y a quelques années, les dividendes d'un 24 décembre, soi un des jours les plus bénéfiques de l'année, ont étés redistribués a tous les employés d'Ikea. Celle-ci a créé une vive polémique : remerciements, sorte de donation, ou achat d'une population salariale ?

•  une croisade pour la perfection

Ikea se doit aussi de viser la perfection puisqu'elle prétend pouvoir changer le monde selon un modèle précis. Dans ce cadre, nous retrouvons beaucoup de choses voulant à tout prix s'approcher de cette perfection ikédéalisé.

Pour commencer, une organisation identique est mise en place dans tous les magasins afin que les consommateurs ne soient jamais perdus. Ikea refuse ainsi de les démembrer même si cela pourrait leur être plus bénéfique. En effet, un magasin a implanté nécessite une surface immense (un étage pour l'exposition où sont reproduits fidèlement des studios appartements de 55m² équipés entièrement de matériels ikea, d'un étage où sont regroupés tout les objets de décoration du cadre aux plantes en passant par la vaisselle, et enfin un immense entrepôt ou les visiteurs acheteurs consommateurs prennent leurs meubles sous formes de cartons plats a monter chez eux). Cette organisation est impensable en ville, en agglomération mais envisageable seulement en périphérie de villes, en banlieue. Comme on le verra dans le cas anglais et ses limites, certains responsables politiques ont donc suggéré de mettre à dispositions des clients des boutiques où seuls les bibelots en tout genres, les luminaires, et tout ce qui ne nécessite pas ou peu de places soient regroupés. Ikea a refusé cette proposition immédiatement car Ikea est un univers a part entier, un monde,une sorte d'entité que l'on ne peut séparer tel un être vivant à qui on arracherait un membre.

C'est avant tout une image qu'ils cherchent à conserver, celle d'une unité, d'un tout plutôt que celle d'une entreprise. On approche ici une perfection abstraite d'un monde imaginaire. Intriguant voire inquiétant !De plus dans le discours ( extraits de catalogue), Ikea veut que les clients soient aussi parfait que lui. Ceci représente donc un attrait commercial important ( une fois que l'on a acheté un objet quelconque on se sent oblige d'acquérir toute la gamme pour tout «  assortir »). C'est donc une stratégie globale qui est poussée par la mise en place d'une distribution de tracts poussant les gens à refaire leurs maisons en Ikea.

 

Mais ce n'est pas tout, ce style propre à Ikea ne s'adapte pas aux pays où les cultures et les designs sont différents, mais ces derniers doivent se fondre dans la conception suédoise du meuble. Là où l'Europe occidentale (France, Angleterre, Espagne, Italie) ont une idée d'un style architectural marqué par leur histoire, par les mouvements baroque et classique notamment, Ikea développe un design aux lignes épurés et droites synonyme de perfection et de l'absolu dans ce domaine.

Le consommateur a libre accès sur le site officiel aux conditions de travail des employés, choses rares. Ces même employés sont investis dans l'entreprise et font entière confiance à Ikea qui se nomme elle-même « une grande famille ».

La perfection est aussi atteinte par la possibilité et la capacité d'adaptation d'Ikea, non de son style mais des dimensions et des conditions de vies correspondant aux pays où ils ont implantés. Par exemple au japon, ikea s'est adapté aux modes de constructions et par conséquent les appartement étant petits, les meubles ont étés redimensionnés par rapport a la moyenne japonaise d'un espace personnel exigu et étroit. Aux Etats unis les lits sont plus larges, dus à leur corpulence physique plus importante.

Ikea mène aussi une politique pour la famille, pour les jeunes souhaitant s'installer( cette classe sociale est la classe emblématique d'Ikea), pour les ménagères. Ils proposent ainsi une réduction aux familles pour les aider à emménager et sont prêt à les conseiller dans le style, dans la décoration si celles-ci désirent un logement totalement Ikea. Un bureau des demandes a été spécialement ouvert à cet effet.

Ikea met dons en place différents types de moyens pour favoriser la diffusion de son mode de vie, mis aussi de ses valeurs, notamment à travers le fait que les meubles soient peu cher (mercantilisme, sens des économies), mais ainsi par le labeur, le travail (participation des consommateurs a montés leurs meubles). La perfection d'ikea est cependant très relativive car c'est le point de vue d'un homme et celui-ci est loin d'être universel. Mais tout cela est ambigu car Ikea sort des meubles pas chers servant à imposer ses valeurs.

En conclusion on peut dire que dans la cas d'ikea la moral appliquée a économie est a la fois une puissante stratégie de marketing et ou un choix délibère de l'entreprise qui lui donne un pouvoir économique mais aussi social. D'autre part il est très ambiguë il est très complique de différencier les motifs moraux et sociaux qui guident la politique d'Ikea et ainsi on peut comprendre que un tel discours inspire a la fois un sentiment d'adoration et de haine que nous montrerons dans les limites d'Ikea comme entreprise morale.

 

III IKEA UNE ENTREPRISE PARADOXALE

 

On a vu que Ikea menait avec succès deux politiques distinctes. La première est celle de l'entreprise éthique, ce qui va dans le sens d'un mouvement de fond du monde des affaires, une prise en compte qui s'intègre parfaitement dans les stratégies marketing, l'éthique apportant une valeur ajoutée tant au niveau des relations du personnel que pour le client. Cependant à cette première approche se superpose une autre, bien plus intrigante, qui transforme Ikea en une entreprise originale plus qu'une entreprise éthique exemplaire. En effet, Ikea est aussi une entreprise morale, qui prétend à la fois à la perfection pour elle-même que pour ses clients. Cette politique lui donne un caractère bien plus fort, empreint de l'éthique protestante, ce qui lui permet de prétendre changer certaines valeurs ou mode de vie, comme l'a montré par exemple le cas anglais.

 

Mais dans les deux cas de figures, Ikea se retrouve confrontée à de nombreux paradoxes : en effet elle rencontre tout d'abord des problèmes communs à la vague d'engouement pour l'éthique dont elle fait partie, avec tout particulièrement la question de la structure d'Ikea, privilégiant les magasins et le marketing aux coûts de fabrication. D'autre part, comme cette entreprise se prétend morale, elle se place dans une position d'autorité morale qui la rend bien plus fragile à ses défauts. Enfin la distinction éthique/morale parait bien difficile à définir hors du champ théorique, et le mélange des deux est aussi source de faiblesses et de contradictions pour l'entreprise. Tous ces paradoxes pourront être démontrés par l'étude du cas anglais, typique du mélange d'adoration et de haine que les consommateurs peuvent avoir pour Ikea.

 

 

 

•  Ikea, une entreprise éthique exemplaire ? les limites d'un cas d'école.

 

On a vu que l'engagement éthique d'Ikea était impressionnant, aux cotés d'organisations humanitaires prestigieuses telle que Greenpeace, l'Unicef ou Save the Children. Cependant Amnesty souligne la position difficile que cela peut entraîner pour les ONG : en effet il paraît par exemple difficile pour l'Unicef de critiquer les conditions de travail des enfants du groupe Sweedood associé à Ikea dès lors que celui-ci mène en partenariat avec Ikea des opérations humanitaires, ici des ventes de peluches pour financer des orphelinats en Inde. Les associations humanitaires partenaires se trouvent alors dans une situation difficile, puisqu'elles sont dans l'incapacité de refuser une aide dont elles ont besoin alors même qu'elles peuvent aussi servir d'alibi éthique aux entreprises qui font appel à elles.

 

Dans le cas d'Ikea, le paradoxe est frappant : certes un code de conduite très strict, qui a d'ailleurs été salué par les organismes humanitaires, le IWAY (politique d'Ikea en matière d'achats et de produits pour l'aménagement de la maison) a été mis en place en 2000, alors même que la tendance éthique gagnait de plus en plus d'entreprises. Ce code est très ambitieux : il exige de ces fournisseurs qu'ils payent le salaire minimum légal, qu'ils ne pratiquent pas le travail des enfants, qu'ils ne dépassent pas le quotas légal d'heures supplémentaires ou qu'ils ne pratiquent pas la discrimination. Cependant la devise d'Ikea est aussi « des prix bas pour tout le monde ». Alors l'entreprise se trouve devant un dilemmeingérable : s'exclure d'une tendance mondiale et devoir faire face à des consommateurs de plus en plus exigeant sur la qualité des produits, ou devoir faire preuve de plus de vigilance en acceptant une éventuelle hausse des prix en contrepartie de contrôles et de prix plus serrés.

 

Dans le cas d'Ikea, les nécessités du marché, et peut être un désir de perfection morale le pousse à mener les deux de fronts : en effet selon le PDG, Anders Dahlvig, « il n'y a pas de contradiction à exiger les prix les plus bas et à être une entreprise respectueuse de ses travailleurs ». Mais il suffit de s'intéresser à la structure d'Ikea pour noter que dans la part des effectifs pour fonction, la production ne représente que 11 000 personne contre 65 000 pour les magasins. De toute façons, Ikea est d'abord une marque, et non une unité de production : c'est-à-dire qu'ici les effectifs alloués à la production concernent surtout les employés chargés de stocker et d'assembler les produits Ikea. Mais si l'on examine de près la façon dont les produits sont fabriqués, on s'aperçoit que Ikea, comme la plupart des multinationales, sous traite sa production : elle possède 43 bureaux d'achats mis en concurrence à travers le monde afin d'obtenir les plus bas prix, bureaux d'achats qui font appels aux usines des pays par exemple aux pays ateliers de l'Asie, comme la Thaïlande , ou à des usines situés dans des zones franches, c'est-à-dire à l'écart de toute réglementation. A travers cette hiérarchie de sous traitants et d'usines anonymes, Ikea, qui se déclare être « un groupe de contrôle et de conformité », doit faire face au coût éthique d'un politique de baisse des prix. Evidemment, cette structure de production est le lot de la quasi-totalité des grands groupes du meuble ou des autres grandes compagnies. Mais dans le cas d'Ikea, d'une entreprise poussant aussi loin l'engagement éthique, il est plus difficile de tenir compte à la fois de sa transparence affichée et de la réalité.

 

Par exemple, depuis l'instauration de l'IWAY en 2000, sur 354 ruptures de contrats, seulement 21 avait pour raison le non-respect de l'IWAY, alors même que 68% des fournisseurs d'Ikea ne sont toujours pas approuvés par l'IWAY. Dans les violations principales, il y a par exemple le fait de ne pas fournir aux employés des équipements de protection ou de ne pas déverrouiller les sorties de secours. Ikea souligne alors que « ces manquements sont plus fréquents dans les pays de développements où les standards industriels sont plus bas. Ces problèmes peuvent prendre des mois ou des années à se résoudre car leur règlement va de pair avec un changements réels de la société dans ces pays là ». Mais même si la transparence de ces chiffres est louable, alors même que la plupart des entreprises éthiques ne les rendent pas public, ils rendent bien le décalage entre l'optimisme et l'ambition de ces politiques, et la réalité d'une concurrence de plus en plus accrue et féroce, surtout sur le marché du meuble.

 

Ainsi Ikea a beau compter près de 80 auditeurs au total et mener environ 180 audits depuis 2000, pratiquer les audits externes avec KPMG ou PWC (Pricewaterhousecoopers), Ikea a beau avoir pour résultats que seules 11% de ses entreprises asiatiques sont conformes à l'IWAY, la principale conclusion que retirent les « groupes de contrôles et de conformité » est que le niveau de jugement des bureaux d'achats n'est pas assez sévère et qu'il faut durcir l'IWAY. On peut alors se demander jusqu'où l'éthique peut être considérée comme une valeur ajoutée, alors même qu'il y a opposition entre logique productiviste et logique commerciale de l'image de marque, et qu'il parait bien difficile d'exiger traçabilité et respect des codes de la part des sous-traitants.

 

Le cas d'Ikea n'est que symptomatique ce cette bonne volonté, aussi lié à des impératifs d'image ou aux attentes des consommateurs, mais qui peine à se définir concrètement hors du champ médiatisé d'opérations marketing telle que les opérations « rapporter votre sapin » où les sapins Ikea sont destinés à reboiser les forêts.

 

D'autre part, tant de transparence affichée tranche avec la structure d'Ikea, qui est particulièrement opaque : en effet le groupe Ikea appartient à la Stichting Ingka Foundation , une fondation caritative dont le siège se trouve aux Pays-Bas. Une autre entreprise, Inter Ikea Systems, possède la propriété intellectuelle d'Ikea - son concept, sa marque de fabrique, le design de ses produits. Par le biais de contrats complexes, Inter Ikea Systems passe des accords de franchise avec Ikea, l'autorisant à fabriquer et à vendre ses produits. D'après ce que l'on sait, Inter Ikea Systems appartient à diverses fondations et sociétés offshores, dont certaines ont leur siège aux Caraïbes. Ce montage permet à la famille Kamprad de tout contrôler." Cette opacité, insiste la direction d'Ikea, devait permettre à l'origine d'"empêcher le démantèlement de l'entreprise après la mort [de Kamprad], assurer la pérennité d'Ikea et rassurer ses collaborateurs". Mais pour une entreprise paraissant autant se soucier de l'éthique, les abattements fiscaux que lui permette cette structure paraissent plutôt malvenus.

 

Il y a donc contradictions entre les ambitions affichées de l'entreprise, l'éthique censée dicter sa conduite et une réalité où les problèmes de fond semblent bien plus difficiles à prendre en charge, alors même qu'Ikea s'affirme comme le leader des petits prix sur le marché du meubles. Mais ce paradoxe, c'est toutes les entreprises qui s'engagent dans l'éthique qui doivent y faire face lorsqu'on examine leur système de production. Ainsi Ikea s'intègre aussi dans les paradoxes de l'entreprise éthique, pointée du doigt surtout parce qu'elle se veut exemplaire.

 

 

 

•  Ikea, une entreprise morale unique ? Les dangers de cette perfection affichée

 

 

Il faut tout d'abord préciser que:

Ce qui place d'autant plus Ikea dans une situation difficile, c'est la perfection morale, en plus de la perfection éthique qu'elle tend à afficher. En effet, on a vu qu'elle se place comme un garant des valeurs familiales, de la rigueur et de l'humilité, d'un style suédois symbole d'un esprit « cocooning ». Certes, les éléments de cette morale lui permettent de toucher bien plus profondément les consommateurs, mais la moindre défaillance de l'entreprise la fragilise de façon irrémédiable. Pour poursuivre le parallélisme avec une religion, cela rappelle les scandales de détournements d'argent des compagnies religieuses par exemple, acceptés d'autant moins que ceux-ci étaient les garants de la foi.

 

Dans le cas d'Ikea, qui affirme directement dans son code, l'IWAY que les fournisseurs peuvent attendre d'elle qu'elle respecte les différences culturelles, les accusations de racisme à l'embauche paraissent d'autant plus condamnables. Ainsi en 1999 au magasin Ikea de Saint Priest, dans le Rhône, un mémo de la directrice marketing d'Ikea France précisait « de ne pas employer de personnel de couleur car, c'est malheureux à dire, mais on leur ouvre moins facilement la porte, et il s'agit d'avancer vite ». Comment accepter cela alors que tous les employés se tutoient et que le président conclue tous ses messages en disant « je vous aime » ? Dans ce cas précis, Ikea a immédiatement riposté en finançant la campagne télévisée « pas d'histoire : douze histoire sur le racisme au quotidien ».Cet exemple, cependant, montre bien à quel point Ikea est fragile face au moindres accusations ne cadrant pas avec son image de marque. Son autorité morale est telle qu'elle ne peut pas se permettre d'ignorer les attaques à son encontre.

 

D'autre part, on peut se demander si les familles visitant littéralement Ikea le dimanche au son de chants de Noël seraient aussi enclines à faire des achats à si bas prix si on leur expliquait à quel prix humain ceux-ci sont fabriqués : en effet le monde Ikea semble si parfaitement juste, avec le Smalland pour les enfants ou l'épicerie suédoise typique, si rassurant que la marque ne peut souffrir aucun rappel à la réalité.

 

Même si le premier motif affiché pour aller chez Ikea est les prix bas, lors de nos visites il nous a semblé indéniable que la foule, jusqu'aux adultes compris subissait une attraction presque enfantine pour des espaces d'exposition présentant un monde parfait, des crayons négligemment posés sur le bureau aux contes (suédois) posés sur la table de nuit des enfants. En effet Ikea présente un univers qui a à la fois l'avantage d'être sécurisant, parce que très humain, avec les prix bas, les simulations d'appartements à petite taille pour un couple avec deux enfants, par exemple, mais qui est aussi à la fois totalement irréel parce qu'il prétend à un ordre parfait, une lutte pour le rangement utopique. Ainsi par exemple les catalogues Ikea créent une atmosphère particulièrement reconnaissable de ce que nous interprétons comme la chaleur scandinave : les poupons blonds, le feu dans la cheminée, la neige dehors...alors qu'en réalité, tout est évidemment illusoire et fait en studio.

 

Mais inconsciemment, dès lors que l'on touche à la perfection de l'entreprise Ikea on touche aussi à la perfection de la part d'univers Ikea que l'on a ramené chez soi sous la forme d'une bibliothèque Billy ou d'une combinaison Magiker. Alors on en vient à douter de la croisade morale de celle-ci, car ces valeurs sont après tout loin de l'esprit « cocooning » de ses meubles : l'humilité, le prix du dur travail avec le meuble à monter soi même, la transparence…même si cela rappelle le protestantisme, les valeurs familiales, cela est plutôt à contre-courant des valeurs actuelles.

 

D'ailleurs, l'entreprise est aussi vivement critiquée pour tous les particularismes qu'elle impose. Les magasins en dehors du centre-ville et très difficile d'accès, les services après-vente aux abonnés absents, les vendeurs désagréables…à en juger par le nombre de site du type « I hate Ikea » ou « Ikea sucks », chacun à sa petite histoire à raconter sur une mésaventures survenues dans un Ikea, telle que des housse de canapé impossibles à trouver un mois après l'avoir acheté, ou des ampoules ne correspondant plus… Constater qu'Ikea a bouleversé la vie quotidienne d'une grande partie de l'humanité est devenu un lieu commun. Mais c'est un lieu commun généralement accompagné de remarques acerbes sur son service après-vente, sur les insupportables bouchons à l'entrée des magasins et sur les instructions de montage incompréhensible. Entre Ikea et les consommateurs, c'est l'amour/haine : on ne peut ni s'en passer, ni s'empêcher de s'en moquer. Comme si Ikea était bien plus qu'un supermarché du meuble : une entité capable de susciter en nous des émotions aussi fortes et aussi irrationnelles qu'une équipe de foot, une religion ou la politique du gouvernement.

 

D'ailleurs le style Ikea est souvent décrié. . Joe Kerr, directeur du département d'études critiques et historiques au Royal College of Art compte parmi les plus farouches adversaires d'Ikea ; selon lui, notre soumission à son esthétique est une catastrophe. "Je pense qu'ils ont contribué à tirer vers le bas les exigences en matière de design. Beaucoup de ceux qui auraient été un peu plus ambitieux en matière de mobilier finissent par accepter dans leur salon des trucs ordinaires et pseudo-modernes... Ikea n'est peut-être pas le comble du mauvais goût, mais cela n'a rien à voir avec le bon goût."Il est vrai que malgré l'étiquette « design » d'Ikea les collections sont somme toute, désormais assez traditionnelles, même si c'est peut être aussi du au fait que Ikea soit rentré dans nos mœurs.