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Gilles Dorronsoro , conférence donnée à l'ESPCI le 5 décembre 2006 à 19h30

 

 

Gilles Dorronsoro est professeur de Relations Internationales à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il a publié un ouvrage : La Révolution Afghane , Kartala, 2002.

 

 

L'effondrement des taleban

Pour parler de l'avenir probable de l'Etat afghan, il faut revenir sur l'effondrement des taleban et la stratégie anglo-américaine en Afghanistan.

L'effondrement des taleban ne s'explique pas par un manque de légitimité dans leur pouvoir, ou alors simplement au Nord, et pour des raisons ethniques et religieuses (application de la Shar'ia) plus que réellement politiques.

 

Au Sud

Leur première et principale erreur a été stratégique : Elle a consisté à défendre avec des méthodes artisanales (utilisations de pick-up, d'armes artisanales) des positions fixes, en regroupant des hommes sur des espaces limités, facilement destructibles, réduisant ainsi le nombre de cibles à détruire pour les américains. Ces groupes étaient la plupart du temps commandés par des officiers pakistanais.

La rapidité de l'avancée américaine s'explique donc par la facilité à détruire de nombreuses cibles e peu de frappes, comme à Mazâr-E Charif, qui a été massivement pilonnée par les bombardiers. Car la stratégie offensive des US est assez analogue à celle du Vietnam. D'importants bombardements doivent réduire à néant les défenses ennemies, et les forces d'appui au sol ne sont là que pour sécuriser des périmètres bien définis, et achever le travail.

 

Au Nord

Beaucoup moins évident pour les taleban, la fin du régime au Nord du pays les met en proie à un possible massacre. En effet, de nombreux contentieux demeurent, notamment en ce qui concerne l'application abusive de la Shar'ia, et l'interdiction de cultiver l'opium (qui a conduit à une baisse de 90% de la production dans le pays) a été défavorable aux paysans. Aussi, alors que les Etats-Unis bombardaient encore le pays, la culture de l'opium avait déjà repris, et ce d'autant plus que le financement de la reconstruction par l'OTAN (c'est-à-dire par les Etats-Unis) et de sérieux pots-de-vin avaient achevés d'amadouer les différents chefs tribaux.

 

Après la chute du régime

L'échec d'une reconstruction et la survivance des taleban

La destruction du pouvoir central n'a pas été suivie par la reconstruction d'un Etat centralisé. Il n'est pas plus présent dans le pays aujourd'hui qu'il l'était en 2000, et l'administration a rarement été aussi inefficace. Même ne serait-ce qu'à quelques kilomètres de Kaboul ou de Kandahar, la présence de l'Etat est suffisamment faible pour expliquer la survivance des taleban et leur réinstallation à proximité de ces grandes villes.

Là encore c'est un échec pour l'OTAN, car sa politique de ratissage des campagnes en vue de la liquidation des taleban et d' Al-Qaïda a conduit les britanniques par exemple, à combattre dans des régions totalement isolées, à l'est en particulier, et ainsi à exacerber un peu plus le conflit, à stimuler également la « solidarité » du djihad chez les pakistanais. Dés le printemps 2002, l'opération « Anaconda », où une quinzaine d'hommes était tués montrait la survivance et la totale capacité de combat d' Al Qaïda à la frontière afghano-pakistanaise. L'accumulation de nouvelles troupes à clairement fait comprendre que le conflit s'enfonçait alors que tout semblait, depuis l'automne 2001, sous contrôle.

De 2002 à 2006, les organisation basées à la frontière afghano-pakistanaise n'ont pas cessées de faire la preuve de leur capacité à combattre, notamment en employant les méthodes de combat sur le méthode irakien : sans règle du jeu, par des attentats suicides, des enlèvements, des exécutions d'humanitaires. Des humanitaires qui ont très vite été utilisés par les Etats-Unis comme faisant « partie de la stratégie américaine en Afghanistan » (C.Powell).

La faiblesse des effectifs de l'OTAN en Afghanistan (30 000 hommes environ, alors que les Russes, même avec 100 000 hommes, ont échoués) et la tentative de contrôler tout le territoire ont conduit à la fermeture de certaines régions (environ 1/3 du pays) à l'aide humanitaire et à la progression à nouveau des taleban, qui n'ont aucune difficultés à se déplacer dans le pays ni à passer les frontières.

 

Quel avenir pour le conflit ?

 

Peut-on vaincre les taleban ?

D'abord les méthodes de combat des taleban changent, ce qui prouve qu'ils apprennent beaucoup des autres mouvements et son capables de s'adapter à la situation au terrain. De plus l'armée de l'OTAN, engagée pour la première fois depuis 1953 dans un conflit ouvert, a dû admettre, ponctuellement, la supériorité des taleban et de leurs alliés d'Al Qaïda dans des régions qu'ils ne peuvent plus contrôler, faute de forces d'appui aérien. De plus, les humanitaires n'ont même plus l'opportunité de faire jouer leur neutralité pour aider à une reconstruction sans les taleban .

Par ailleurs ce conflit est, avec celui d'Irak, plus impopulaire chaque jour, notamment aux yeux du Canada, qui s'était engagé dans une optique de reconstruction du pays, et non dans l'idée de voir ses soldats commettre des massacres…

 

Plusieurs options s'offrent alors pour espérer vaincre, à court terme, les taleban 

•  Jouer la carte de la passivité relative,e n effet, au Nord, les troupes allemandes et françaises évitent toute provocation, toute recherche de caches d'armes, ce qui pourrait leur attirer des représailles. Pour l'instant, cette politique de la simple sécurisation des villes a eu des résultats plutôt positifs et a maintenu à l'écart les taleban de certaines villes.

 

•  Cibler des lieux de combats vitaux , au lieu de ratisser les campagnes et d'essuyer des escarmouches qui, à long terme, font du bilan afghan côté allié, un bilan proportionnellement plus lourd que celui de l'Irak. D'ailleurs personne ne veut suivre les britanniques ou les américains au Sud. C'est juste suicidaire…

 

•  …Créer une armée afghane , mais celle-ci est par avance handicapée par le problème que je viens de citer, c'est-à-dire le danger. Le taux de désertion important est dû à la fois à la faible solde des soldats, mais également au fait qu'aller se battre au Sud, c'est vraiment « la punition ». En plus, il est difficile de monter des afghans contre des afghans, quelles que soient les différences ethniques…

 

•  Réactiver le système des milices reviendrait à coup sur à voir se perpétrer des massacres et ainsi à diviser la population afghane, notamment le Nord avec le Sud.

 

•  Faire pression sur le Pakistan pour permettre un meilleur contrôle de la frontière afghano-pakistanaise est inefficace. Le pouvoir pakistanais a déjà suffisamment de mal à contrôler la totalité de son territoire et, depuis 2002, a sacrifié 7 à 800 hommes dans la surveillance des régions frontalières, souvent ralliées à la cause d'Al-Qaïda et des taleban (la ville de Peshawar est devenu leur nouveau sanctuaire). Le Pakistan ne finance ni n'équipe cependant cette organisation, et d'ailleurs, les taleban ont repris, à leur compte la production de l'opium qu'ils avaient fait interdire. Le réseau Al Qaïda est un réseau fort, qui résistera sans aucun problème à la mort d'Oussama Ben Laden.

 

 

Un scénario idéal ?

 

- Laisser l'organisation talebane circuler, et s'essouffler face à la difficulté d'encadrer la population afghane.

- Réussir, à long terme, à créer un espace de dialogue politique suffisant pour que les taleban soient exclus de la vie politique où intégrer sous une forme plus modérée. Mais il ne faut pas se leurrer, les afghans ne sont pas beaucoup plus modérés en général que les taleban. Même Massoud était un fondamentaliste à sa façon.

- Financer, à long terme là encore, une solide armée capable de sécuriser les villes et les routes. Car les taleban ne sont pas de la campagne, mais des urbains. Contrôler les villes c'est les tenir à l'écart du pouvoir, des communications.

- Briser le lien entre Al Qaïda et les taleban en s'acharnant uniquement à arrêter les membres d'Al Qaïda.

 

 

En conclusion, on peut être pessimiste, les taleban sont aujourd'hui assez proches des grands centres du pouvoir afghans, et à nouveaux soutenus localement équipés. Un pilonnage, même symbolique, de Kaboul, signifierait ou plutôt achèverait de prouver l'incapacité totale de l'OTAN à défendre un pays sans armée. Depuis 2002, il est évident que si les Etats-unis et la Grande-Bretagne pouvaient quitter l'Afghanistan, qui n'est pas un point stratégique comme l'est l'Ouzbekistan par exemple, et n'a pas de ressources souterraines particulièrement intéréssantes.

 

 

 

 

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